American Psycho

Bret Easton Ellis

Points-Seuil,

1995, 513 pages, ISBN : 2-02-025380-1

 

American Psycho est avant tout une plongée dans l'horreur : Patrick Bateman, jeune homme bien sous tous rapports, golden boy beau comme un dieu et riche comme Crésus, symbole de la réussite financière et sociale à l'américaine, et aussi un tueur en série cruel et froid, perpétrant les assassinats les plus ignobles pour le simple plaisir de tuer.

Pour vous donner une idée, le roman commence par ces mots : "ABANDONNES TOUT ESPOIR, TOI QUI PENETRE ICI" et se termine ainsi : "SANS ISSUE". Entre ces deux sentences, 500 pages d'un style très cinématographique, épuré, chirurgical, presque frénétique.

Ce livre a créé une polémique énorme lors de sa sortie aux USA en 1991. On avait demandé à Bret Easton Ellis d'écrire un roman de serial killer, parce que c'était la mode : le film Le Silence des Agneaux venait d'être un immense succès commercial. Le créneau était porteur. Ellis s'execute et rédige son manuscrit. Il est refusé par l'éditeur qui le trouve bien trop violent et morbide. Un autre éditeur ose publier l'immondice :Ellis doit dès lors vivre escorté d'un garde du corps, il reçoit insultes et menaces de mort, les ligues féministes ne lui veulent pas de bien du tout, etc.

Il faut dire que le livre va loin, vraiment très loin : les scènes d'orgies sexuelles détaillées tournant aux boucheries encore plus détaillées sont nombreuses, mais surtout très longues et décrites dans un style clinique et objectif qui fait froid dans le dos et dans le coeur. D'autant plus ignoble que nous regardons la scène avec Patrick Bateman : nous agissons avec lui, nous découpons, mutilons, violons, dégustons ses victimes avec lui. Et puis nous rions avec lui dans un café branché, entourés de nos amis, ceux du moins que nous n'avons pas encore tués, juste après s'être lavé les mains...

Si le roman d'Ellis n'était que cela, ce serait déjà un objet littéraire des plus intéressants (et des plus malsains), mais l'auteur maîtrise avec une réelle subtilité la description psycho-pathologique de son personnage, et à travers lui, la critique radicale, sans aucune concession, de la société américaine et de ses idéaux.

Il m'est d'avis que si Ellis avait créé un Patrick Bateman pouilleux, marginal, retiré dans une guimbarde pourrie d'un coin perdu des USA, le roman n'aurait pas été si scandaleux que cela. Bateman n'aurait été qu'un monstre de plus, une aberration, une a-normalité... Bien au contraire, Bateman n'est rien d'autre que l'incarnation de la réussite américaine. Tous les hommes voudraient être lui, toutes les femmes voudraient l'épouser, tout le monde voudrait être à sa place.

A travers Bateman, Ellis a réussi à dépeindre toute la sauvagerie, toute la violence, toute la folie d'une nation. On comprend mieux dès lors que les ligues de morale américaines aient souhaité la peau de l'écrivain...

 

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