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ALEPH
La liste de discussion des phénomènes fortéens
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UNCON 2002 - "La mort de l'ufologie ?"


Depuis 1994, Bob Rickard et Paul Sieveking, les éditeurs du magazine anglais The Fortean Times, organisent un week-end annuel de conférences à Londres. Des spécialistes anglo-saxons viennent y débattre ou y exposer leurs travaux sur les OVNI, la cryptozoologie, la parapsychologie, les légendes urbaines et toutes les autres joyeusetés réunies sous le terme de "phénomènes fortéens". L'événement est baptisé "UNCON", pour Unconvention, jeu de mot qu'on pourrait traduire en français par "la Convention sur tout ce qui n'est pas conventionnel".
Cette année, les 6 et 7 avril 2002, la UNCON recevait quelques pointures, notamment dans le domaine de l'ufologie, qui fut l'objet de la table ronde finale.

Résumé de quelques unes des conférences…
 
Texte et photos par Grégory Gutierez
 
"Betty and Barney Hill, 40 years later", par Peter Brookesmith

Peter Brookesmith à la UNCON 2002

Peter Brookesmith, auteur de plusieurs livres sur les OVNI (notamment sur les abductions) a fait un exposé sur le célèbre cas de Betty et Barney Hill, premiers "abductés" américains en septembre 1961. Son exposé, avec moult cartes de la région de Nouvelle Angleterre et photographies des routes empruntées par le couple, était relativement soporifique mais très précis, sans apporter d'éléments véritablement nouveaux à l'histoire. Point intéressant cependant, un extrait d'une série télévisée de science-fiction, diffusée 10 jours avant le début des séances d'hypnose du couple en 1964 avec le Dr Simon, a permis à Brookesmith d'appuyer l'hypothèse selon laquelle le récit de Barney Hill avait certainement été influencé par cette série. On y voit un ET blanchâtre, glabre et aux yeux noirs surmontés de larges arcades sourcilières, parler avec une femme, au travers d'une vitre. L'ET explique qu'il parle et comprend le langage humain parce que la communication passe en réalité au travers des yeux, comme chez toutes les espèces vivantes dans l'univers. Toute leur discussion tourne autour de ce thème : le regard en dit beaucoup sur les intentions et les pensées d'un être vivant. Brookesmith souligne que l'ET de la série ressemble beaucoup au dessin que Barney Hill fera de ses kidnappeurs, notamment ces arcades sourcilières particulières. Barney Hill indique aussi lors des séances que sa terreur est issue du regard du "chef" de l'équipage, qui le fixe à travers les hublots de la soucoupe de ses yeux terribles. Même si le raisonnement se tient - il y a effectivement une ressemblance troublante entre l'ET de la télé et celui du récit, Brookesmith fait l'impasse sur une autre particularité du dessin de Barney : la casquette que porte sur la tête son ET (et que mentionne aussi Betty lors de ses séances). L'ET télévisé, lui, ne porte aucune casquette… Licence artistique de l'inconscient de Barney ? Brookesmith ne remarque tout simplement pas ce détail...

Brookesmith est de la tendance "sceptique ouvert" et reste sarcastique envers les partisans d'une interprétation au premier degré de l'aventure des Hills, même s'il avoue n'avoir strictement aucune idée de ce qu'ont pu voir les Hills ce fameux soir de septembre 1961 sur une route isolée. Même l'hypothèse plus "rationnelle" d'un véhicule secret de l'armée, une sorte d'hélicoptère silencieux, n'explique pas l'affaire selon lui. Il pense cependant que le scénario "abduction" trouve sans doute son origine dans la croyance que Betty entretenait déjà envers les OVNI avant l'accident, et dans le processus créatif de l'hypnose, alimenté avant les séances par le climat dans lequel évoluaient déjà les Hills. Pendant les 3 ans qui séparent l'événement lui-même des séances d'hypnose, Betty et Barney ont notamment fait part de leur expérience devant des cercles ufologiques, et Betty a souvent fait le récit des rêves qui la hantaient, lesquels contenaient déjà tous les éléments qui ressortiront lors des séances. Brookesmith s'arrête enfin sur la notion d'hypnose pour remarquer qu'à l'inverse de ce que feront ses successeurs, le Dr. Simon n'utilisa nullement l'hypnose avec les Hills dans le but de révéler "la vérité", mais dans une optique plus thérapeutique : l'hypnose est un outil permettant de cristalliser une angoisse sur un scénario élaboré par l'inconscient, afin d'avoir quelque chose à quoi se raccrocher et pas simplement une sourde angoisse. Au terme du traitement, le patient va mieux parce qu'il a pu mettre des mots, des images, une histoire là où auparavant il n'y avait qu'angoisse et non-dits. Malheureusement, regrette Brookesmith, cette leçon ne sera pas retenue par les autres chercheurs qui vont s'évertuer à utiliser l'hypnose comme " sérum de vérité" alors que l'hypnose est tout sauf un sérum de vérité.

Quelques liens :
UFOs : The Hills abduction, un article de About.com sur l'histoire des Hills
The Betty & Barney Hill Incident directory, dossier constitué par l'organisation ufologique américaine NICAP


"The Mothman Prophecies" par Doug Skinner

Avec la sortie du film de Mark Pellington adapté du livre de John Keel, le Mothman est en passe de devenir un personnage incontournable de la scène ufologique, au même titre que le classique Little Grey ou l'énigmatique Man In Black. Doug Skinner, illustrateur et artiste passionné par les phénomènes fortéens, a présenté le mythe qui prit naissance à Point Pleasant en Virginie Occidentale, façonné par le talent de Keel.
Un document vidéo montre John Keel chez lui, dans son capharnaüm bourré de revues et de livres. Il travaille à son ordinateur en manipulant un jeu de cartes (ça l'aide à se concentrer explique-t-il, maintenant qu'il n'a plus droit à la pipe) et se plaint de ne pas avoir touché un seul dollar à la sortie du film "Men In Black" dont il est pourtant la principale source d'inspiration (les 2 héros sont "Mister J" et "Mister K" ou "Jay" et "Kay", reprenant les initiales de John Keel). La personnalité de John Keel est bien sympathique, ses théories sont hardies et étonnantes (il explique Roswell par des ballons piégés japonais et remplace l'hypothèse extraterrestre par le concept des "ultraterrestres", des êtres terrestres, d'une certaine manière,mais issus d'une dimension supérieure), mais en fin de compte que penser des événements à Point Pleasant ? Pour Doug Skinner, on ne peut pas expliquer simplement le "mothman" par la présence d'un oiseau, même exotique, égaré en Virginie Occidentale… En même temps, beaucoup des pièces du puzzle élaboré par Keel peuvent s'expliquer de manière simple (par exemple, la présence d'un tueur en série qui sévissait à l'époque en Virginie Occidentale, expliquerait certains épisodes comme l'agression "mystérieuse" d'une des témoins quelques jours après son observation).

Peu après la conférence proprement dite, le public est gratifié de la toute première diffusion européenne d'un documentaire américain de 45 minutes, "In search of the Mothman". Une place importante y est laissée à des extraits du film et quelques témoins de l'époque racontent une nouvelle fois leur terrifiante confrontation avec l'oiseau surnaturel. Le mélange entre scènes fictionnelles et témoins réels a malheureusement pour effet de rendre un peu moins crédibles ces pauvres témoins, qui deviennent un élément parmi d'autres dans le puissant appareil de propagande qui accompagne la sortie d'une nouvelle production hollywoodienne. Le documentaire se termine évidemment sur la tragédie du Silvebridge dramatisée à l'excès (la voix off précise que pendant l'écroulement, de mystérieux hommes en noir auraient été vus aux abords du pont), et conclut sur le concept qu'avant chaque grande catastrophe, des "mothmen" se manifesteraient à loisir, signes avant-coureur du drame… comme à Tchernobyl par exemple (ah bon ?). Étonnamment les "grandes catastrophes" citées ne comprennent pas les attentats du 11 septembre, les producteurs du documentaire n'ayant sans doute pas osé utiliser une plaie si vive dans leur documentaire promotionnel… Loren Coleman, John Keel et quelques autres auteurs font des apparitions en tant qu'autorités, notamment pour supporter cette idée que le Mothman, dont on retrouverait la figure dans toutes les traditions à travers le monde, assure un rôle d'oiseau de mauvais augure... Une chose est certaine en tout cas, le documentaire est vendeur, tient en haleine, et finalement atteint son but : nous précipiter dans le cinéma le plus proche pour voir le film !

Quelques liens :
The Mothman Prophecies, site officiel du film
The Mothman lives, autre site promotionnel
La métaphysique et le mothman, un article canadien sur le film et sur John Keel


"Shockingly close to the truth", par James Moseley

James Moseley à la UNCON 2002

Autre conférence, autre ton : depuis les années 50, James Moseley, éditeur du magazine Saucer Smear, suit et commente l'actualité de l'ufologie. Il a connu toutes les époques, toutes les tendances, et son regard acide et volontiers moqueur en agace plus d'un. Avec l'aide de Karl Pflock, Moseley sort cette année son premier livre, qu'il a mis, dit-il, 40 ans à écrire : Shockingly close to the truth, Confessions of a Grave-Robbing Ufologist, composé à partir des notes qu'il a prises à chacune de ses rencontres et pérégrinations. Sa conférence est surtout l'occasion de quelques anecdotes et de quelques bons mots : sa rencontre avec le contacté américain des années 50 George Adamski et sa clique de disciples naïfs, son entrevue avec le président Harry Truman qui lui explique qu'il n'éprouve strictement aucun intérêt pour les OVNI, l'étrange histoire de Hunrath et Wilkinson, 2 américains qui s'envolent à bord d'un petit avion en 1953 pour "rejoindre une soucoupe volante" et disparaissent corps et biens (en tout cas, on ne retrouva jamais la carcasse de l'avion), etc.

Moseley est à n'en pas douter un showman accompli, notamment lorsqu'il confie les 2 règles à suivre pour réussir en ufologie : avant tout, vérifier si tel ufologue est bien mort et enterré avant de critiquer ses travaux, sinon on a tôt fait d'être un debunker fanatique aux yeux de la communauté. En revanche une fois l'ufologue passé de vie à trépas, on peut se lâcher, et passer rapidement pour un esprit éclairé et rigoureux. Deuxième règle : être paranoïaque ! Si vous êtes suivi et que votre téléphone est sur écoute, c'est que le gouvernement vous surveille : vous écrivez donc des livres qui dérangent. Si rien de mystérieux ne vient pimenter votre vie, qu'aucune force adverse ne tente de vous faire taire, vos livres ne se vendront pas du tout. Etre parano et croire au complot pour cacher l'horrible vérité au peuple, c'est s'assurer de bonnes ventes !

Moseley redevient sérieux à la fin de son exposé : après toutes ces années à explorer et suivre la mouvance ufologique, il ne croit finalement pas à l'hypothèse extra-terrestre. Les OVNI sont l'expression d'un phénomène encore inconnu mais bien terrestre qu'on finira par expliquer un jour, assène-t-il sur le ton du vieil homme à qui on ne la fait plus. Par acquis de conscience (et aussi un peu parce que ça l'amuse), il précise cependant que son co-auteur Karl Pflock n'est pas du même avis. Pour ce dernier, les extraterrestres seraient bien venus nous visiter en soucoupes volantes, mais c'était dans les années 50-60. Depuis il s'en sont allés, nous laissant seuls avec nos espoirs, nos craintes et nos illusions.

Quelques liens :
James H. Moseley, editor of Saucer Smear, une présentation de Moseley
Saucer Smear, le magazine ufologique sans langue de bois :)


"The death of ufology ?", débat

De gauche à droite : Collin Bennett, Peter Brookesmith, Paul Devereux, David Clarke, Andy Roberts

La UNCON 2002 s'est terminée sur un débat au titre provocateur : "La mort de l'ufologie ?".
La mort de l'ufologie, pour les invités, c'est plutôt la mort de l'hypothèse "tôles et boulons". Pour Paul Devereux, spécialiste en archéologie mystérieuse et membre des International Consciousness Research Laboratories, l'Hypothèse Extra-Terrestre (HET) est la pire chose qui soit arrivée à l'ufologie parce qu'elle a rendu les chercheurs amnésiques. A chaque cas, elle est avancée "naturellement" et empêche de creuser plus loin et de se poser les bonnes questions. Toute tentative de réflexion qui aurait pour conséquence de réfuter l'HET est mal accueillie par la communauté ufologique, qui cherche avant tout à préserver son dogme et son système de croyance. La machinerie médiatique hollywoodienne fait le reste pour entretenir l'illusion, à coups de super-productions et de publicités empruntant à l'imaginaire soucoupique. Pour Jim Moseley, rendant hommage au travail de son collègue Karl Pflock, c'est le dossier Roswell qui a tué l'ufologie. Roswell est en effet devenu sacré pour beaucoup d'ufologues, et émettre des doutes sur cette histoire revient à remettre en question la virginité de la Sainte Vierge face à un fervent catholique. Malheureusement Roswell, ses initiateurs de la fin des années 70 et ses défenseurs d'aujourd'hiu, ont orienté l'ufologie sur le terrain du "cosmic watergate" et des conspirations gouvernementales plutôt que sur une tentative de compréhension de ce qui est réellement vu et raconté par les témoins.

Très en verve, Jim Moseley s'est ensuite attaqué frontalement à Colin Bennett, auteur qui vient de publier un ouvrage sur le contacté des années 50 George Adamski, Looking for Orthon (Paraview Press) et prépare actuellement deux autres ouvrages sur Charles Fort et sur le capitaine Edward J. Ruppelt (qui dirigea le projet Bluebook dans les années 60). Moseley s'adresse à Bennett : "Sincèrement et sans faux-fuyant, dites-nous le fond de votre pensée : selon vous George Adamski a-t-il vraiment vu une soucoupe et discuté avec des vénusiens ?". Rires dans la salle et gêne de Colin Bennett, qui refuse de répondre clairement à la question. Ce n'est pas si simple, le concept d'objectivité des faits est en soit discutable comme nous le montre la mécanique quantique, les spectateurs des pièces de Shakespeare ne se demandaient pas si l'histoire qu'on leur racontait était objectivement vraie, etc. La salle apprécie peu le flou avec lequel Bennett évite de répondre à la question…
Heureusement pour ce dernier, Judith Jafaar, psycho-thérapeute et vice-présidente du BUFORA (British UFO Research Association) précise que l'important dans l'expérience d'un témoin, c'est moins la réalité objective de sa rencontre que la signification que cette expérience implique pour lui. Pour elle, l'hypothèse tôles et boulons a d'ailleurs eu pour effet d'éloigner l'ufologie de ses origines, l'étude de la conscience et de ses états limite. "On ne travaille pas avec des soucoupes mais avec des témoins" explique-t-elle, dont il est d'ailleurs très facile de manipuler l'esprit et qui, dès le départ, sont conditionnés à croire aux soucoupes volantes (sinon, ils ne demanderaient pas à faire des séances d'hypnose auprès de célébrités connues pour leur engagement ufologique).

Le débat dérive alors sur la question des abductions et sur le statut des récits sous hypnose. John Mack est très critiqué et moqué pour sa naïveté (on cite son opinion selon laquelle les abductés parlent parfois d'extraterrestres reptiliens parce que leur "cerveau reptilien" serait sollicité pendant leur expérience). En tant que psychothérapeute, Judith Jafaar se garderait bien d'utiliser l'hypnose pour découvrir une réalité cachée, parce qu'au contraire l'hypnose développe énormément l'imagination et a pour effet d'effacer toute frontière entre réalité objective et rêve. En outre, l'influence du thérapeute est bien plus importante qu'on ne le pense généralement : il y aurait même parfois de la télépathie entre le patient et le thérapeute, à l'insu de l'un comme de l'autre, comme le suggèrent les travaux français du XIXème siècle. Malheureusement, Judith ne citera pas précisément ces travaux (mais on pense évidemment au livre de Méheust, Somnambulisme et Médiumnité et au "magnétisme animal").

A une critique du public qui souligne que quasiment tous les intervenants sont de tendance sceptique, Judith Jafaar précise différents termes : le "believer" n'a pas besoin de débattre puisqu'il sait déjà à quoi s'en tenir, le "debunker" méprise tout débat, seul le "skeptic" doute et cherche à comprendre, sans avancer d'explication toute prête. Dans ce sens, oui, tous les intervenants de ce débat se considèrent comme sceptiques. Quelques applaudissements dans la salle et hochements de tête des autres intervenants, à l'exception notable de Collin Bennett qui n'apprécie guère d'être ainsi catalogué "sceptique" !
Enfin, suite à une remarque du public, tous les intervenants se mettent d'accord : la fameuse "peur du ridicule" qui empêcherait tant de témoins de parler, tient en fait plus du mythe que de la réalité. Jim Moseley précise qu'aux USA, dire qu'on a vu un OVNI permet souvent d'atteindre le statut de célébrité locale, au point que certains en ont fait commerce. Et pour les pilotes alors ? David Clarke (Flyingsaucery.com) indique qu'on a déjà vu des pilotes témoins être par la suite nommés dans des commissions d'étude du phénomène…


Finalement, l'ufologie n'est pas morte lors de ce débat, bien au contraire. Si l'HET "au premier degré" est clairement décriée, les uns comme les autres plaident pour une ufologie plus "professionnelle", qui ne serait plus abandonnée à des amateurs auto-proclamés entretenant surtout une croyance populaire (les extraterrestres sont parmi nous) et souvent aussi, leurs propres finances. L'ufologie souhaitée par les intervenants poserait plus de questions sur la présence de soucoupes volantes dans notre cerveau et dans notre environnement, que sur la présence de soucoupes volantes dans des bases secrètes américaines ou dans des avant-postes extraterrestres sur la Lune. Enfin, cette ufologie serait plus responsable, en ce qu'elle ne jouerait plus avec l'esprit et le vécu des témoins comme elle le fait encore souvent…


Mise en ligne le 11 avril 2002